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Crise chinoise et crise européenne

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1/ Le krach boursier chinois est plus important par son symbolisme que par ses impacts économiques réelles: il marque l’ancrage de la Chine dans les arcanes du capitalisme !

L’ouverture au capitalisme initié par Deng Xiao Ping en 1979 a été un incontestable succès au regard du développement économique de l’Empire du Milieu. Ce développement s’est néanmoins accompagné depuis le début des années 2000 de la constitution de 4 « bulles » :

  • de l’investissement qui a conduit à une surcapacité industrielle,
  • du crédit, notamment via le développement débridé du secteur du « shadow banking », avec des taux d’endettement privé et public qui ont bondi,
  • du secteur immobilier
  • et enfin des marchés boursiers : après avoir progressé de plus de 100% au 1er semestre, le marché boursier chinois vient d’enregistrer une baisse de près de 30% en 1 mois (soit une perte de valeur équivalente à 22% du PIB !).

 

Comme dans la constitution de toute bulle, le ferment de celles-ci repose sur une absence de maîtrise de l’endettement. Dans le cas actuel du marché boursier, les autorités publiques ont de plus joué aux « apprentis sorciers »

Les autorités chinoises ont délibérément incité les ménages chinois à investir en bourse en détendant les conditions de recours au financement à crédit. Leur motivation s’inscrivait dans une triple optique :

  • déplacer l’épargne domestique en dehors du secteur immobilier devenu engorgé;
  • favoriser le financement des entreprises endettées en substituant l’épargne ménagère à la dette;
  • relancer la demande domestique par la consommation des gains boursiers réalisés;

 

Ces incitations ont fonctionné au-delà des espérances des autorités avec un engouement populaire excessif: les achats d’actions à crédit ont été multiplié par 5 en 1 an ! Il y a désormais, en Chine, 90 millions de petits porteurs, soit davantage que de membres du parti communiste !

L’emballement s’est interrompu lorsque les autorités ont décidé de resserrer les conditions d’accession au crédit via un moindre accommodement des appels de marge.

 

Les effets du Krach boursier sont potentiellement de trois ordres :

  • Social : 80% des détenteurs des actions sont des particuliers. Leur mécontentement pourrait susciter des remous sociaux. Cette source d’inquiétudes me semble exagérée : malgré la chute du marché depuis quelques semaines, bon nombre d’investisseurs (estimation à 40% des petits porteurs) bénéficient encore de plus-values substantielles sur une année (rappelons que malgré sa chute récente, le marché a progressé de +75% sur un an). Le taux d’épargne domestique demeure proche de 50% et les actions ne représentent que 9,6% de la richesse des ménages.
  • Politique : les autorités vont souffrir d’une perte de crédibilité. Non seulement elles ont déclenché le phénomène de bulle par leurs mesures incitatives, mais elles ont également manifesté une absence totale d’anticipations correctrices face à la constitution de celle-ci et les mesures prises semblent inefficaces jusqu’à présent pour endiguer la panique.

 

L’incertitude majeure en matière de politique économique est de savoir si cet épisode boursier ne va pas conduire à un coup d’arrêt durable de la stratégie financière visant à libéraliser les marchés financiers chinois…

Xi Jingpin ne sera-t-il pas tenté de reprendre à son compte la phrase prêtée à Deng Xiao Ping (« si les marchés baissent, fermons-les ! ») ? Certaines mesures récentes peuvent le laisser penser (la moitié des actions cotées sur les marchés de Shanghai et Shenzhen ne sont plus cotées ; des interdictions de ventes ont été prononcées,…) mais je ne crois pas que le gouvernement ait l’intention de mettre fin à la politique de libéralisation financière du pays.

 

Comme la crédibilité économique du gouvernement chinois est en jeu…celui-ci va tout d’abord rechercher à apaiser la situation en prenant des mesures correctrices (il dispose notamment des liquidités suffisantes pour inonder le marché), mais ne reviendra probablement pas sur sa stratégie visant à s’affirmer financièrement au-delà des frontières chinoises. Cette composante financière s’inscrit dans la politique de grande puissance élaborée par Xi Jin Ping. Avec la constitution d’une bulle boursière et son explosion, la Chine est désormais entrée de plein pied dans le Capitalisme !…

Economique : la Chine traverse actuellement sa plus faible phase de croissance depuis 25 ans ! Malgré une contribution exceptionnelle du commerce extérieur (grâce à la chute du prix des matières premières enregistrée au second semestre 2015), estimée à 1.3 point, le taux de croissance affiché n’est que de 7%. L’inflation est à 1.2% et les prix à la production sont en replis depuis plus de 3 ans continuellement… L’économie chinoises est au seuil de la déflation ! Le principal impact domestique de ce choc boursier pourrait donc être sur la confiance des ménages et fragiliser la consommation…

D’un point de vue global, la conséquence majeure de ce krach réside dans son effet de contagion économique potentiel: en accentuant la stagnation de l’activité, elle impactera l’économie mondiale avec des effets directs (ralentissement de la croissance mondiale, pression baissière supplémentaire sur le prix des matières premières,…) et indirectes (appréciation du Yen,…).

En toile de fond à cette phase de transition chinoise gardons à l’esprit que l’économie chinoise souffre d’un problème de productivité: un employé à Shanghai coûte désormais plus cher qu’un employé en Hongrie, un ingénieur informatique chinois coûte déjà 70% du coût d’un ingénieur équivalent allemand !

Au total, le Krach boursier devrait davantage écorner l’image d’infaillibilité du pouvoir politique que constituer un réel tournant économique du pays. Il met cependant en exergue les lacunes d’une économie en quête d’un « second souffle » après la remarquable expansion des trois dernières décennies.

 

2/ Si l’Europe ne se réforme pas, elle disparaîtra (sous sa forme constitutionnelle): Sisyphe sera renversé par son rocher !

Jusqu’à jeudi le consensus de marché était convaincu du Grexit. Je demeure convaincu pour ma part qu’un compromis est possible et souhaitable autour d’engagements de réformes structurelles grecques en échange d’un allongement de la duration de la dette et d’une réduction du niveau des taux d’intérêts. Cette solution permet de ne pas toucher au principal de la dette (exigence allemande) et aux créanciers de percevoir les flux d’intérêts futurs.
Le coût d’un Grexit – géopolitique, réversibilité de la construction européenne, financier – est disproportionné par rapport aux avantages escomptés. Penser qu’un Grexit serait un non événement constitue un pari pascalien extrêmement imprudent… A la logique rationnelle du géo-économiste s’oppose néanmoins celle, plus émotionnelle et impulsive, du Politique qui doit nous conduire à envisager toutes les hypothèses…
Les prochaines heures s’annoncent déterminantes pour le destin de l’Europe.  Je voudrais conclure par les remarques suivantes:

  • alors que la Chine a investi massivement en Europe depuis 2010, un Grexit conduirait cet acheteur massif d’obligations d’Etats européens à réviser sa position sur le risque que représente ses investissements tant financiers qu’industriels sur le Vieux continent, avec les conséquences induites notamment sur le coût de financement de nos dettes… La Grèce  est non seulement une plate forme américaine militaire stratégique mais elle constitue à maints égards la porte d’entrée que la Chine a choisi pour le développement de sa stratégie européenne;
  • alors que la croissance de l’économie européenne se renforce, l’incertitude dans la résolution de la crise grecque fait peser une menace, via la confiance des acteurs économiques, sur la pérennité de cette accélération… la divergence de tendance économique entre les pays occidentaux et les pays émergents pourrait être interrompue au détriment de l’activité mondiale.
  • il faut éviter que cette nouvelle étape de la crise grecque ait des conséquences sur le bilan de la BCE. Toute dégradation du bilan de la BCE conduirait inéluctablement à une restriction de la marge de manœuvre future de cette dernière. Au-delà du cas grec, la stratégie de la BCE mise en place pour éviter l’ornière de la déflation puis pour favoriser la relance de la croissance européenne serait mise en péril par un besoin de recapitalisation qui ne se ferait qu’au détriment de l’autonomie et de l’audace manifestée ces derniers trimestres !

Quelque soit l’issue de la crise grecque, les Acteurs politiques de la société européenne devront tirer des enseignements sur les lacunes de sa construction.  C’est le défi politique majeur de notre génération !

juil 11, 2015Christian Dargnat
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